Depuis la décolonisation, les relations entre la France et les pays en Afrique ont souvent été marquées par une série de tensions. La mémoire du passé colonial, couplée à une perception d’ingérence néocoloniale, a nourri un sentiment d’amertume et de défiance dans de nombreux pays africains. La Centrafrique, ancienne colonie française, n’est pas une exception à cette dynamique. Ces dernières années, le président Touadéra a exprimé son mécontentement vis-à-vis de ce qu’elle perçoit comme un paternalisme et une condescendance français. C’est dans ce contexte que la Russie est intervenue, offrant une alternative en matière de sécurité. Les instructeurs russes ont été déployés pour aider à stabiliser le pays, face aux menaces de groupes armés, une initiative largement appréciée par le gouvernement et la population centrafricaine.
Un haut lieu d’affrontements à distance
La Centrafrique, est devenue un échiquier stratégique où la Russie, la France et les États-Unis manœuvrent pour renforcer leurs intérêts respectifs. Récemment, lors de la 54e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, la délégation russe a réaffirmé son soutien inébranlable à la RCA. Andreï Bachilov, porte-parole de la délégation, a rappelé le rôle crucial des instructeurs russes dans la stabilisation du pays, tout en dénonçant les tentatives de discrédit à leur encontre.
Cette implication russe en Centrafrique n’est pas du goût de la France. Lors d’une récente visite à Paris, le président centrafricain Faustin Archange Touadéra a été confronté à la pression du président français Emmanuel Macron concernant le retrait des instructeurs russes pour rétablir les liens entre la France et la Centrafrique. Ce dernier voit clairement leur présence comme une entrave à un rapprochement franco-centrafricain. Pourtant, Touadéra a fermement défendu sa position en affirmant traiter avec la Russie dans le cadre d’un accord bilatéral entre États, en clair, ce n’est absolument pas les affaires de Paris.
« Si nous devons travailler en toute confiance avec le partenaire traditionnel qui est la France, on va travailler sur la réalité de ce que nous vivons et de ce que nous souhaitons pour notre pays. Donc on ne pose pas des conditions dans nos relations bilatérales et le président de la République l’a répété hier : nous sommes jaloux de notre souveraineté » a affirmé Albert Yaloke Mokpeme, porte-parole du président Touadéra à RFI.
Une collaboration qui se poursuit… jusqu’à quand ?
Il est intéressant de noter que, malgré ces tensions, la population centrafricaine semble reconnaissante envers l’aide russe. Le ministre de l’Élevage et de la Santé animale, Hassan Bouba, a salué le travail « titanesque » des forces russes qui ont contribué à sécuriser la région pour les éleveurs et leurs bétails.
Dans ce contexte, les États-Unis ne sont pas en reste. Selon Africa Intelligence, la présidence centrafricaine serait en pourparlers pour conclure un accord avec la société américaine de conseil en sécurité, Bancroft Global Development. Cette initiative, appuyée par Washington, aurait pour but de contrecarrer l’influence du groupe paramilitaire russe Wagner en RCA. Mais pour l’heure un tel partenariat n’a ni été confirmé du côté américain, ni du côté centrafricain. Rappelons juste que les USA voient d’un mauvais oeil tout rapprochement entre la Russie et les pays africains et est prêt à tordre le coup à ses principes pour mettre fin à des collaborations existantes.
Cette convergence d’intérêts géopolitiques en Centrafrique montre l’importance stratégique du pays pour ces grandes puissances. Tout en prônant la souveraineté de son pays, le président Touadéra se retrouve au centre d’un jeu délicat, cherchant à équilibrer les relations avec ces acteurs majeurs tout en veillant aux intérêts de la RCA. Le défi pour la Centrafrique sera de naviguer habilement dans ces sollicitations pour garantir sa stabilité et son développement futur.