La relation postcoloniale entre la France et l’Afrique francophone a toujours été empreinte de complexité et, pour beaucoup, d’injustice. La France, en tant qu’ex-puissance colonisatrice, a conservé des accords, tant économiques que de défense, avec nombre de ses anciennes colonies, rappelant le rapport déséquilibré instauré à la fin de la colonisation. L’ère de la Françafrique a mis en évidence cette relation précaire, entravant le plein potentiel de l’Afrique francophone et renforçant une dépendance économique et politique. Avec l’ascension du Capitaine Ibrahim Traore au pouvoir burkinabè en 2022, les failles de cette relation ont été brutalement mises en lumière même si la dénonciation a eu lieu bien avant son arrivée.
L’animosité envers la politique française s’est manifestée par des protestations contre l’ambassade de France à Ouagadougou. La demande de retrait de la force Sabre, ancrée dans la capitale depuis des années, est venue renforcer cette position antagoniste. La récente dénonciation par le Burkina Faso de la Convention fiscale de non double imposition, signée en 1967, après que la France a ignoré les demandes de renégociation émises depuis 2020 (Lire ici notre article sur le sujet). La Convention fiscale de non double imposition entre la France et le Burkina Faso est perçue comme particulièrement injuste du fait de son caractère unilatéral en matière de bénéfices.
En effet, tandis que de nombreuses entreprises françaises, avec une présence significative à l’international, bénéficient de cette convention en évitant la double imposition lorsqu’elles opèrent au Burkina Faso, le Burkina n’a pas de groupes internationaux d’envergure équivalente installés en France pour jouir de tels avantages. Même dans un scénario hypothétique où le Burkina Faso disposerait de telles entreprises en France, l’écart entre le nombre d’entreprises françaises opérant au Burkina Faso et celui des entreprises burkinabè en France est si prononcé que la balance des bénéfices resterait largement en faveur de la France. Cette dynamique prive le Burkina Faso de recettes fiscales cruciales, accentuant ainsi le déséquilibre économique et les inégalités engendrées par cette convention. Dans ce contexte, l’aide extérieure n’est-elle pas le serpent qui se mord la queue, ou simplement une miette des gains français en Afrique francophone?? La question mérite d’être posée même si il ne faut pas vite aller en besogne!
Quid des autres pays africains ?
Mais le Burkina Faso est-il un cas isolé dans cette dynamique? À travers l’Afrique francophone, de nombreux pays ont hérité de traités et d’accords déséquilibrés qui ne profitent qu’à la France, conçus dans une période de vulnérabilité post-indépendance. Bien que chaque nation ait une histoire unique, la trame de fond reste constante : des accords qui favorisent souvent l’ancienne puissance coloniale au détriment du pays africain. Le cas du Burkina Faso n’est qu’un exemple parmi d’autres où un pays demande une renégociation pour refléter une relation plus égalitaire.
La rupture entre le Burkina Faso et la France, marquée par la suspension de l’aide au développement française, soulève une question fondamentale : combien d’autres pays africains sont liés par des conventions déséquilibrées ? Et combien, comme le Burkina Faso, chercheront à défier ces accords dans les années à venir ? La renégociation ou la dénonciation de ces traités pourrait signaler une ère de redéfinition des relations entre la France et l’Afrique francophone, plaçant l’équité et le respect mutuel au cœur de leurs interactions.