Suite au coup d’État militaire survenu au Niger le 26 juillet 2023, les réactions internationales n’ont pas tardé. Des organisations majeures comme la CEDEAO, l’UA et des pays comme les USA, la France et la Russie ont rapidement pris position. Au Bénin, l’intervention du président béninois Patrice Talon et les annonces d’une possible intervention armée ne sont pas du goût de tout le monde. Selon la presse occidentale, le Bénin pourrait décider d’engager des troupes aux côtés de la CEDEAO pour combattre les militaires. Beaucoup d’acteurs notamment l’Église catholique et des hommes politiques ont affirmé ouvertement que l’option militaire n’était pas la bonne solution tout en optant pour la diplomatie pour résoudre la crise.
Les élus du parti d’opposition « Les Démocrates » n’ont pas hésité à interpeller le gouvernement sur la situation, présentant un ensemble de 19 questions pressantes. Le cœur de leur interrogation concerne la justification de l’engagement militaire du Bénin, notamment en considérant la relation fraternelle entre le Bénin et le Niger. Ils s’inquiètent du respect de la constitution béninoise, de la sécurité des troupes envoyées, mais aussi de la potentielle escalade du conflit et de ses conséquences pour la population civile et pour le Bénin lui-même.
Outre la question militaire, les préoccupations économiques et diplomatiques ont également été soulevées. La décision de fermer les frontières avec le Niger pourrait avoir des conséquences significatives pour le Port Autonome de Cotonou et l’économie béninoise en général, déjà impactée par les sanctions de la CEDEAO. Face à la hausse des prix des denrées de première nécessité et les répercussions sur les acteurs économiques, l’opposition exige des réponses concrètes du gouvernement.
Le dialogue apparait comme une solution privilégiée pour plusieurs acteurs régionaux et même internationaux. Les élus d’opposition rappellent à Patrice Talon sa propre énonciation du dialogue comme alternative aux coups d’État et l’incitent à mettre en œuvre un tel dialogue inclusif au Bénin. L’heure est à la réflexion, à l’interrogation, mais surtout à la recherche de solutions pacifiques et consensuelles pour l’avenir de la région.
Question orale avec débat au gouvernement
Le 26 juillet 2023, un coup d’Etat militaire est intervenu au Niger pour interrompre le mandat constitutionnel du Président de la République, Monsieur Mohamed BAZOUM. Cet événement a suscité la réaction de plusieurs Etats à travers le monde et organisations sous-régionales et régionales dont notamment la CEDEAO, l’UA et l’ONU. Le jeudi 10 août 2023, les chefs d’Etats et de gouvernements des pays de la CEDEAO, ont tenu un sommet extraordinaire au terme duquel des décisions ont été prises dont celle d’ordonner le déploiement de la force en attente de la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel en République du Niger.
À cet effet, le gouvernement du Bénin à travers ses différentes déclarations a décidé d’engager des troupes béninoises dans le contingent de la CEDEAO devant combattre la junte militaire au pouvoir. Au regard de cette option prise par le gouvernement d’engager l’Etat béninois dans la guerre contre le peuple frère et souverain du Niger en violation de l’article 101 de notre constitution et étant entendu que les sanctions prises par la conférence des chefs d’Etats de la CEDEAO en sa session du 30 juillet 2023 à Abuja, ont déjà des répercussions graves sur la situation économique, sociale et sécuritaire de notre pays, la représentation nationale en vertu des dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale en son article 108 et ses différents alinéas, invite le gouvernement à bien vouloir répondre aux préoccupations suivantes :
- Quelles sont les dispositions prises par le gouvernement pour prendre l’avis du parlement par rapport à l’engagement des troupes béninoises dans le théâtre des opérations de la CEDEAO au Niger en cas de la mise en œuvre de l’option militaire brandie conformément aux dispositions de l’alinéa 1 de l’article 101 de notre constitution : « la déclaration de guerre est autorisée par l’Assemblée Nationale » ?
- Dans la perspective de cette guerre contre le peuple souverain du Niger, plusieurs pays comme la France et les Etats Unis ont pris des dispositions pour l’évacuation de leurs ressortissants du Niger. Quelles sont les dispositions prises par le gouvernement du Bénin pour ses ressortissants vivant au Niger ?
- Le Bénin et le Niger étant des peuples frères, qu’est-ce qui justifie alors que le Bénin accepte d’envoyer ses troupes pour attaquer le Niger pendant que d’autres pays de la CEDEAO non limitrophes du Niger, refusent d’y participer ?
- Quel est l’effectif des soldats béninois et l’essentiel de la logistique que le gouvernement envisagerait de mettre à la disposition du contingent de la CEDEAO ?-Quel est le coût prévisionnel d’une éventuelle participation du Bénin à cette opération ? Qui en paye la facture ?
- En cas d’agression du pays frère du Niger, notre gouvernement peut-il donner l’assurance qu’aucune vie de populations civiles nigériennes ne sera touchée de même que celle de nos soldats ?
- Qu’est-ce que le gouvernement a prévu pour chaque soldat en termes de prime, et chaque famille de soldat en cas de décès de soldats béninois sur le théâtre des opérations ?
- Le Bénin étant un pays frontalier au Niger, quelle garantie donne le gouvernement qu’en cas de riposte de l’armée nigérienne que des victimes ne seront pas enregistrées sur le sol béninois ?
- Le gouvernement peut-il rassurer qu’en cas de guerre avec le Niger, de potentiels djihadistes ne profiteront pas pour s’infiltrer dans notre pays comme ce fut le cas en Lybie ?
- Ne serait-il pas plus sage de privilégier le dialogue politique et diplomatique comme ce fut le cas au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ?
- N’est-il pas possible que le Bénin soit pionnier comme par le passé au sein de la CEDEAO dans la prévention des coups d’Etat en luttant contre les exclusions électorales, l’emprisonnement et l’envoi en exil des opposants politiques ?
- Pourquoi la CEDEAO est-elle plus prompte à réagir contre les coups d’Etat militaires et tolère les coups d’état institutionnels comme observés en Côte d’ivoire en 2020, en Guinée en 2021, au Bénin en 2019, 2020 et 2021, puis dans d’autres pays ?
- La restauration du pouvoir du Président Mohamed BAZOUM est-elle plus précieuse que la vie des milliers de populations nigériennes et soldats du contingent de la CEDEAO qui pourraient en mourir ?
- Que deviendrait le Niger après cette guerre ?
- Les populations de l’espace CEDEAO ne font plus confiance à notre organisation qu’elles qualifient de syndicat des Chefs d’Etat. Que compte faire le Bénin pour redorer le blason de cette organisation sous-régionale ?
- A l’issue du sommet extraordinaire de la CEDEAO, le président Patrice TALON a évoqué le dialogue comme une alternative aux coups d’Etat. A quand le dialogue inclusif tant souhaité par l’opposition béninoise ?
- Quels sont les effets de la fermeture de nos frontières avec le Niger sur le Port Autonome de Cotonou ?
- Quels sont les effets des sanctions déjà prises par la CEDEAO sur l’économie béninoise et sur les populations ?
- Quelles mesures immédiates ont déjà été mises en œuvre par le gouvernement pour contrer la montée des prix des denrées de premières nécessités ?
- Quel sort le gouvernement béninois réserve-t-il aux acteurs économiques déjà victimes des conséquences des sanctions prises par la CEDEAO (acteurs portuaires, transporteurs, opérateurs économiques, etc.) ?